Préambule
J’ai déjà écrit, en 2016, un article spécifique sur les qualités du testeur. Cet article est toujours valable mais je souhaite aujourd’hui me pencher plus sur certaines qualités qui sont essentielles avec les évolutions actuelles des logiciels.
Je ne suis évidemment pas le seul à me poser ce type de question, je ne peux que vous conseiller d’aller sur ce site, qui propose cet exercice avec la contribution de testeurs qui apportent leurs témoignage. Il existe également cette page (en anglais) qui propose des principes pour le testeur moderne.
Introduction
Un testeur moderne est avant tout un testeur, il doit donc évidemment avoir les qualités (attention il est très compliqué de toutes les avoir!) d’un bon testeur « Old School », c’est à dire la curiosité, le pragmatisme, l’adaptabilité, la rigueur, la remise en question, la persuasion, l’esprit d’équipe, être force de proposition, la bonne humeur, l’esprit de synthèse, accepter l’échec…
Il est néanmoins important de rappeler que le testeur « moderne » vit dans notre monde tout aussi moderne. Notre monde est en constante évolution, cette évolution est de plus en plus rapide. Les technologies évoluent, les pratiques évoluent, les environnements évoluent, les méthodes de travail également.
Qui aurait pu dire il y a 20 ans que les méthodes Agiles prendraient autant d’importance (50% des projets d’après le sondage du CFTL en 2019)? Qui aurait pu dire il y a 10 ans l’importance que prendraient les téléphones portables? Qui aurait pu dire il y a 5 ans que les assistants vocaux deviendraient assez efficaces pour dépasser l’usage simplement « geek » ? Qui aurait pu dire il y a encore 6 mois que la quasi totalité des ingénieurs logiciels se retrouveraient en télé-travail pendant 3 mois ?
Qui peut dire où nous mènera l’IOT ? Qui peut nous dire quelles sont les avancées concrètes de l’IA dans nos pratiques quotidiennes ? Qui peut nous dire quelles seront les nouvelles « disruptions » qui apparaitront dans le logiciel d’ici 5 ans ?
Si vous le savez, je serai ravi de pouvoir discuter avec cette personne! =)
Dans le cas contraire, pour être un bon testeur, il faudra faire preuve d’une grande adaptabilité.
Compétence n’est pas qualité!
Les compétences sont souvent perçues à tord comme des qualités. Elles sont alors considérées nécessaires pour être un bon testeur. C’est une idée que je réfute totalement! Attention, je ne dis pas que les compétences sont inutiles. Chaque compétence peut être nécessaire en fonction d’une situation.
Ce n’est pas parce que l’on sait écrire des cas de test automatisés sous Selenium, UFT, RobotFramework, TestComplete ou tout autre outil de test que l’on est un bon testeur. Lorsque l’on a ces compétences on a de la valeur sur le marché du travail actuel! Cela ne veut pas forcément dire que l’on est un bon testeur, un bon automaticien et encore moins que nous le serons encore dans 5 ans. Si seules les compétences techniques étaient suffisantes alors les meilleurs automaticiens de tests seraient également les meilleurs développeurs car un automaticien doit avoir des compétences de développement!
Si on prend l’image du foot, ce n’est pas parce que l’on est bon, voir très bon techniquement que l’on est un bon joueur de foot. Un bon joueur de foot doit avoir une bonne vision du jeu, une bonne condition physique, savoir jouer juste, avoir l’esprit d’équipe… Pour finir de vous convaincre il suffit de faire une comparaison entre 2 attaquants bien connus:
- Le premier, Ben Arfa, est doté d’une technique exceptionnelle qui aurait pu théoriquement lui permettre d’être parmi les 5 meilleurs joueurs du monde, néanmoins, il est très loin de ce niveau.
- Le second Miroslav Klose, beaucoup moins technique, a pourtant eu une carrière remarquable: champion du monde, de multiples titres en Allemagne et en Italie et bien sûr, à l »heure actuelle, le meilleur buteur de tous les temps en coupe du monde avec 16 buts.
Au final, on peut considérer Ben Arfa comme un joueur « quelconque » et Klose comme un joueur exceptionnel.
Le plus important, pour un testeur moderne n’est donc pas de savoir utiliser des outils, appliquer des techniques de conception de test, automatiser des tests ou même faire de jolis bilans! Non, le plus important pour être un bon testeur moderne c’est les qualités humaines!
Pour être honnête, si vous me confiez la formation d’une personne très technique (sans plus d’informations), je fournirai quelqu’un qui testera (il ne deviendra pas forcément un « bon testeur »). Si vous me confiez une personne curieuse et bonne communicante je vous formerai un bon testeur!
Les compétences techniques s’acquièrent plus facilement que les qualités humaines.
J’en ai fait plusieurs fois l’expérience dans ma vie professionnelle et personnelle (et aussi pu le constater chez les autres). A chaque fois que j’ai eu connu des échecs ou des désillusions le problème était plus lié à mon comportement mon état d’esprit, mes valeurs qu’à mes « compétences ».
En classe préparatoire, mon prof de mathématiques disait toujours que si nous étions arrivé à ce niveau nous avions forcément les compétences pour réussir et comprendre. Le problème venait forcément d’un manque de travail. Je me suis alors aperçu que je n’étais pas capable de fournir une certaine quantité de travail car étant d’un naturel curieux et touche à tout il me fallait faire autre chose, diversifier mes activités comme lire, faire du sport ou simplement discuter. Ces activités « supplémentaires », mais essentielles pour ma santé mentale, me prenaient jusqu’à 2 heures par jour. Heures prises sur du temps potentiel de travail ce qui a forcément diminué ma capacité d’apprentissage théorique. Au final j’ai obtenu une école que je visais mais j’ai eu beaucoup de remarques de proches me disant que « j’aurai du faire mieux vu mes capacités ».
Je peux ici reprendre un exemple de mission qui a été un échec. Au départ les difficultés semblait être la compréhension de l’environnement et la maitrise du php pour les tests. Au final j’ai réussi à acquérir ces compétentes mais la mission a quand même été un échec! Mon problème ? Je voulais trop bien faire, je voulais changer les choses et pour ça j’ai partagé, échangé, communiqué. Au final cela a été mal perçu car j’étais trop « nouveau » pour pouvoir juger les processus en place. Cela a mal été pris et j’ai eu une mauvaise image qui ne m’a jamais quitté et qui a entrainé la fin de la mission. Là encore le problème était lié à mes qualités humaines plutôt qu’à mes compétences techniques.
Les qualités essentielles pour le testeur moderne
Le monde actuel évolue toujours plus vite. Si un testeur « classique » doit savoir s’adapter, le testeur moderne devra savoir lui aussi anticiper ces changements. Il devra être capable de détecter les frémissements et signes annonciateurs du changement pour pouvoir s’y préparer et avoir une longueur d’avance sur les autres.
Le testeur moderne doit être prêt pour le monde de demain.
Suis-je un bon testeur prêt pour le monde de demain ? Je m’efforce de l’être. Je n’ai malheureusement pas de formule magique qui permette à coup sûr de l’être ou même d’assurer que je le suis. Il y a par contre une « bonne pratique » que je ne peux que vous conseiller et qui, si elle ne fait pas de vous un « très bon testeur moderne » fera de vous une meilleure personne.
Ce conseil c’est simplement de pousser la curiosité à l’outrance. Un testeur moderne se doit d’être curieux.
Par curieux j’entends que le testeur moderne doit:
- Faire de la veille sur le test: rester informer sur les dernière tendances, savoir ce qui se passe, quelles sont les dernières recherches, qu’est-ce qui intéresse la communauté
- Faire une veille sur le logiciel qui va au delà du test: on a souvent entendu parlé du mythe du développeur dans son garage, ce mythe n’a jamais existé pour le test car lorsque l’on teste, on teste quelque chose qui a été fait, créé ou développé! Le testeur n’a donc jamais été seul. Il travaille maintenant en étroite collaboration avec de nombreux acteurs du projet, il se doit de connaitre leurs problématiques
- Expérimenter: le testeur doit « tester » de nouvelles choses. Essayer de nouvelles techniques que cela soit des techniques de communication, de développements, de manière d’écrire les tests. Le testeur moderne doit, en plus d’être curieux, assouvir cette curiosité en expérimentant.
- Connaitre l’utilisateur: les tests sont de plus en plus orienté produit. Pour cela il faut que le testeur sache comment son produit est ou sera utilisé. Il doit anticiper les désirs et comportement des utilisateurs. Pour cela il a 2 outils très performants: le suivi de la production et le fait que lui même est aussi l’utilisateur de nombreux logiciels. Le Crowdtesting est d’ailleurs assez intéressant de ce point de vue.
- S’ouvrir au monde: c’est probablement la partie la plus importante. Nous faisons parti de la famille des testeurs qui elle même fait partie de la famille du logiciel. Nous ne sommes cependant pas réduit à cette famille et il est important de voir ce qui est fait ailleurs. Les frontières entre les différentes activités sont de plus en plus mince. Les logiciels s’immiscent partout dans notre vie. Des personnes formidables travaillent dans d’autres secteurs, il est important de savoir ce qui est fait dans ces secteurs et comment ils évoluent afin de mieux appréhender l’avenir. De plus c’est également un formidable outil de communication. Comme vous l’avez remarqué si vous suivez la taverne, il y a de nombreuses analogies. Ces analogies que ce soit sur les champignons, la cuisine, les ponts, le foot, les jeux vidéos ou tout autre chose permettent de bien faire passer ses idées même à des non testeurs. Elles ne peuvent être efficaces que si on connait un minimum ces secteurs
Conclusion
Le bon testeur moderne est avant tout un bon testeur. Comme pour le bon testeur il n’y a pas de formule miracle ou de règle d’or pour décréter si quelqu’un est un bon testeur (et encore moins de critère pour décréter le contraire!).
Le testeur moderne ne dépend pas des outils ou des compétences car il peut les acquérir en fonction du contexte et des besoins. Ce qui fait un bon testeur moderne c’est avant tout sa capacité à être prêt pour le monde de demain. Pour cela il se doit d’être curieux et d’assouvir cette curiosité. Si vous voulez être un bon testeur moderne je ne peux que vous conseiller de vivre votre vie à fond, d’expérimenter, de vous ouvrir aux autres et de partager.
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3 Responses
Merci à Benjamin Butel et Zoé Thivet pour leur relecture et remarques.
A noter: cet article n’a pas pour but de classer des bons testeurs et des mauvais testeurs et j’espère que cet aspect n’est pas présent dans l’article (j’ai d’ailleurs essayé de le limiter suite à des retours)
Hello, je suis d’accord sur l’article mais j’ajouterais qu’il faut être le roi de la communication aussi. Il y a beaucoup de testeurs qui n’osent pas demander ou ne le font pas de la bonne façon. Ça peut amener à une incompréhension du projet ou rendre les relations difficiles entre collègues. Clairement ça demande du temps et de la patience mais au fur et à mesure ça permet d’avoir plus de « poids » dans nos démarches et décisions, ça permet aussi d’instaurer une vraie confiance dans notre travail vis-à-vis des autres.
Oui, la communication est essentielle: https://latavernedutesteur.fr/2017/12/15/les-qualites-dun-bon-testeur/