Bonjour Jean-Pierre. Peux-tu brièvement te présenter ?
Je suis Jean-Pierre Lambert. Je suis coach agile et qualité indépendant. J’aide les entreprises, organisations et équipes en leur donnant le coup de pouce qui leur manque pour devenir vraiment agile. Je suis également le créateur de Scrum Life.
Donner un coup de pouce pour devenir vraiment agile. Que veux-tu dire par là ?
Je n’interviens pas chez un client pour porter une transformation. Je viens là pour donner un « coup de pouce », débloquer une situation, donner des billes… Vous êtes sur votre cheminement, je facilite vos réflexions, je réponds à vos questions. Je vous fais aussi vous poser encore plus de questions au passage…
« Vraiment agile » à quoi ça correspond pour toi ?
Pourquoi cette formulation-là ? Très clairement « agile » est devenu grand public. L’agile n’est plus opposé aux « méthodes traditionnelles ». Maintenant on est « has been » quand on n’est pas agile. On préfère mentir que mettre de ne pas faire de l’agile. Il y a aussi plein d’endroits où les gens se mentent à eux même en ne faisant pas de l’agile.
En pratique, ça dépend du point de vue ! En quelques mots être agile c’est tout faire pour avoir du feedback le plus tôt possible et l’utiliser. J’aime bien aussi donner la définition « l’agilité c’est l’extrême rigueur » car impossible d’être agile sans rigueur. Je donnais également une définition de l’agilité d’équipe dans la Keynote que j’ai donné à la JFTL : une équipe agile est une équipe qui délivre, qui a un véritable focus sur la valeur, et qui fait de l’amélioration continue – tout cela dans une vraie collaboration.
On peut ajouter que derrière « agile » j’inclus tous les termes et ensembles de pratiques comme : le Product Management, le Lean, l’agilité, le DevOps, le Software Craftsmanship… C’est à chaque fois fondamentalement le même sujet.
Tu parles beaucoup de test dans tes vidéos et interventions. C’est assez peu courant, pourquoi avoir opté pour cette communication ?
Effectivement c’est pour cela que mon intitulé c’est coach agile et qualité ! D’un point de vue communication c’est effectivement moins courant donc plus rare et potentiellement plus cher. J’aurais pu aller au bout de la démarche en ne me positionnant que comme un expert qualité. La vérité c’est que pour moi ces deux sujets sont indissociables.
Sans qualité on n’a pas d’agilité !
Quand je me présente dans les conférences je dis avoir plusieurs casquettes : coach agile, Scrum Master, consultant et facilitateur test. Dans les faits c’est faux car c’est le même sujet. On ne peut pas recommander une transformation de l’organisation sans prendre en compte les aspects techniques comme le codage et la qualité. De la même manière on ne peut pas avoir une équipe qui se met à faire de la qualité sans changer ses manières de travailler.
Je ne sais pas à quel moment de ma vie je me suis dit que c’étaient des sujets critiques à défendre. Tout ce qui touche à la qualité et au test m’a naturellement intéressé. À vrai dire, quand on est développeur, cela fait partie du taf !
Au jour le jour, tu es amené à faire quoi en accompagnant les équipes ?
Dans cette logique de coup de pouce je fais des accompagnements très ponctuels, par exemple des animations d’événement, des audits ou des sessions d’échange (coaching). Un audit représente au total une bonne semaine de travail, c’est une intervention ponctuelle. Un accompagnement au contraire s’inscrit dans la durée mais ne représente que quelques heures par semaine, c’est alors peu chronophage.
Quel est ton quotidien ?
Mon quotidien tourne beaucoup autour de Scrum Life. Scrum Life c’est devenu une marque à part entière, avec une véritable stratégie produit. Ainsi en tant que Product Manager de Scrum Life je définis la stratégie produit, quelles sont les expériences à mener pour trouver le bon produit, définir le bon prix, et ainsi de suite. Cela me prend beaucoup de temps car je monte en compétence. Tout ce domaine marketing n’est pas mon cursus d’origine. Qui plus est, il faut aussi tenir « la production, » en l’occurrence assurer la sortie des nouvelles vidéos Scrum Life toutes les semaines, mais aussi construire les formations que nous vendons.
À côté de Scrum Life je fais vivre mon entreprise de conseil : prise de contact, échanges, devis, travail pour le client.
Je suis donc à la fois commercial et consultant de ma boite, ainsi qu’animateur, formateur et Product Manager de Scrum Life.
Tu es indépendant, comment vis-tu cette expérience ?
Je la vis bien. J’en ressors grandi notamment en tant que consultant. Justement car j’assure à la fois la partie commerciale (trouver les clients, négocier le TJM) et la partie consultant des ESN (faire le travail vendu). On vit les choses différemment quand on a les 2 casquettes. Voici une anecdote. Quand j’étais Scrum Master en ESN je visais l’excellence de l’équipe que j’accompagnais. Avoir la partie commerciale permet de se rappeler que le client me paie pour arriver à un résultat en particulier, qui n’est pas forcément ce que j’amène en tant que Scrum Master de l’équipe. Je prends mieux en compte le besoin du commanditaire… et je choisis mieux mes clients, par ailleurs.
Être indépendant m’aide aussi à appréhender les autres métiers que je ne connaissais pas vraiment en faisant le « vis ma vie » des commerciaux et du marketing. Je prêche maintenant à quel point le marketing est vraiment important… Et que cela devrait être le cœur de toute équipe agile. Ce qui autrefois était juste un discours, car je n’allais pas dire ouvertement que ces personnes ne servaient à rien, est devenu ma véritable perception des choses. Je suis maintenant convaincu de l’importance cruciale de ces rôles.
Quand on envisage de devenir indépendant on trouve souvent qu’une marge de 20% pour le commercial c’est énorme. Car on ne voit que le travail à faire chez le client. Dans les faits quand j’ai essayé de faire le commercial cela me prenait au moins un jour par semaine, donc finalement 20% ce n’est pas si cher… C’est pourquoi les tarifs des consultants sont élevés car cela prend en compte les coûts cachés : avant-ventes, devis, prospection, comptabilité, création de sa marque mais aussi vacances et maladies…
Être indépendant m’a aussi aidé à prendre du recul par rapport à ma perception du rôle de manager. Je pense que j’ai toujours été compliqué à gérer pour mes managers. Paradoxalement, maintenant que je n’ai plus de manager, je suis devenu capable de mettre des mots sur le rôle des managers. Je sais maintenant qu’ils ont un vrai rôle à jouer, qu’ils ne sont pas inutiles, et je sais expliquer pourquoi et comment.
Quel est ton business model ?
Une des choses qui m’a fait pousser à devenir indépendant c’est de vouloir être très libre et flexible pour faire Scrum Life sur mon temps de travail. Avant je le faisais sur mon temps libre en « hobby. » C’est d’ailleurs pour cela que je me suis orienté sur des missions courtes et moins chronophages.
Mon business model en tant qu’indépendant repose sur la visibilité que m’apportent les deux marques Scrum Life et Jean-Pierre Lambert. Ces deux marques étant très fortes, je ne fais pratiquement pas de prospection. Je fais en revanche beaucoup d’avant-vente et de promotion.
L’idée est de transformer Scrum Life en business à part entière et ne pas seulement s’en servir comme moyen de gagner en visibilité. Mon focus premier est actuellement de faire de Scrum Life une entité qui s’auto-finance, en particulier via les formations. (lancement le 15 septembre 2020).
Dis m’en plus sur Scrum Life ? Personnellement je regarde les vidéos depuis quelques années.
Scrum Life c’est la première chaîne YouTube francophone qui parle de l’esprit agile. Nous avons passé la barre des 13 000 abonés, c’est incroyable ! J’ai créé Scrum Life en septembre 2017 avec la volonté de partager autour de l’agilité, les pratiques, le mindset, et d’évangéliser.
La mission que j’ai énoncée pour Scrum Life c’est de « réduire le gâchis humain. » Nous sortons une vidéo toutes les semaines. On traite d’un sujet de façon légère et décalée tout en donnant des conseils pratiques et très concrets mais en emmenant les spectateurs à réfléchir pour construire leur état d’esprit agile. Scrum Life est devenu une communauté très forte avec un Live hebdomadaire pour échanger sur l’épisode de la semaine ainsi qu’une communauté qui soutient financièrement la chaîne via Tipeee et YouTube.
Il y a même eu une sous-communauté qui s’est formée spontanément et qui s’est structurée en équipe pour faire les sous-titres des vidéos !
Depuis septembre 2020 nous proposons la première formation Scrum Life. Nos formations mettent en avant un format fidèle à l’esprit Scrum Life : de la pratique, de l’humain, des échanges, des interactions et une communauté. Cette formation a évidemment été conçue de manière agile !
Je dis « nous » car je travaille avec Constantin Guay qui fait partie intégrante de l’aventure depuis 2 ans. Nous échangeons et construisons ensemble Scrum Life.
1 vidéo par semaine. Ça parait beaucoup. Comment fais-tu et que faut-il faire pour publier une vidéo de qualité?
C’est beaucoup… Oui et non. Si on était youtubeurs et que c’était notre métier à plein temps on pourrait facilement en faire 2 ou 3 par semaine. Il y a aussi un effet d’entrainement, plus on en fait et plus on va vite.
Pour répondre à la question du temps nécessaire, le niveau de qualité est important ! Une vidéo où l’on parle et se filme directement, sans aucun habillage ou mise en scène, ce n’est pas très compliqué à faire. Mais si on commence à réfléchir :
- aux propos (script),
- que derrière on a des mises en scène (mises en situation pour provoquer un déclic),
- quand on ajoute des supports visuels (dessins, diagrammes…),
- qu’il faut trouver les bonnes métadonnées (description et titre dans YouTube, faire du SEO en quelques sorte),
- le travail sur la vignette (qui doit attirer l’œil, se démarquer, et faire cliquer),
- le montage (animations et autres)
Au total cela prend du temps. De manière générale cela prend au moins 2 jours mais c’est très dispersé.
D’ailleurs nous travaillons avec un monteur professionnel, alors que je n’aurais jamais envisagé faire cela avant d’être indépendant. En effet utiliser l’argent de son entreprise plutôt que son argent personnel permet de voir les choses autrement. La question devient : combien de temps pour monter la vidéo ? Combien de temps je gagne avec le monteur ? Puis il suffit de faire le calcul pour voir si c’est rentable.
Comment la communauté Scrum Life s’est-elle montée ?
Je crois qu’elle s’est montée à l’origine par ma propre attitude : l’ouverture, répondre aux commentaires, échanger avec les personnes en désaccord. Ce qui a vraiment changé les choses c’est la mise en place d’un groupe WhatsApp ouvert à ceux qui nous soutiennent sur Tipeee. Nous sommes depuis passés à rocket.chat car les échanges devenaient trop riches pour un simple groupe WhatsApp.
De fil en aiguille des initiatives communautaires se sont lancée. C’est organique ! Je n’ai pas fait grand-chose à part être accueillant et encourager les initiatives.
Il y a eu des moments où on a été pris dans l’euphorie en leur suggérant certaines initiatives… Et cela s’est vite essoufflé. Pour que cela fonctionne il faut que cela vienne de la communauté, de notre côté on est un catalyseur. On ne peut qu’encourager et accélérer.
Comment gagnes-tu de l’argent avec tes vidéos ?
Les vidéos ne sont pas monétisées : il n’y a pas de publicité. En revanche il y a le Tipeee et son équivalent dans YouTube (les souscriptions). Cela ne suffit pas à financer Scrum Life. Pour le moment notre stratégie pour auto-financer Scrum Life c’est au travers des formations.
Il y a aussi le merchandising… Mais on ne met pas beaucoup l’accent dessus. C’est sûrement une erreur de notre part mais cela demande du temps et de l’effort, nous avons décidé de se concentrer sur autre chose.
Il faut choisir ses batailles et s’y tenir ! De même il faut faire attention à ne pas être trop perfectionniste pour avoir le temps de travailler sur d’autres sujets.
Et la suite ?
Pour Scrum Life : On va continuer d’affiner les formations, de les diffuser mais aussi construire de nouvelles formations.
Du côté consultant le but est de continuer comme actuellement. Cela dépendra aussi de comment évolue Scrum Life : si les formations sont un véritable succès, nous pourrons nous consacrer encore plus pleinement à Scrum Life et à évangéliser.
Je veux aussi préciser que le lancement des formations de Scrum Life n’a pas transformé la chaîne YouTube en vulgaire canal d’acquisition de prospects. On veut pouvoir continuer à faire des vidéos gratuites qui parlent de sujets importants. Les formations sont aussi un moyen de financer la chaîne et les contenus gratuits, de financer l’effort d’évangélisation. Contenus gratuits et formations s’entremêlent pour atteindre notre but qui n’est pas juste de faire de l’argent mais aussi de changer le monde.
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2 Responses
Merci Marc !
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