Atteindre la cible : Le tir et les tests – Christophe Lepinoy

Le sport est souvent source d’inspiration dans le monde professionnel.

Il existe en France (et ailleurs) un sport assez répandu, mais très peu médiatisé : Le tir sportif.

Même si les armes ont globalement une mauvaise image, ce sport reste avant tout un sport d’adresse et de précision qui nécessite la prise en compte de nombreux paramètres et la maîtrise de plusieurs facteurs.

Pratiquant moi-même ce sport, je vais tenter de vous faire découvrir et apprécier ce sport en tentant de faire le parallèle avec notre passion commune : Le test.

La définition des objectifs

En tir sportif, pour déterminer ses objectifs, il faut commencer par choisir sa discipline.

En effet, ce sport regroupe énormément de disciplines différentes dont plusieurs d’entre elles sont présentes aux Jeux Olympiques.

Si on se concentre sur les disciplines olympiques, on peut distinguer 4 grandes familles :

Pour ma part, je ne pratique que le tir au pistolet sur les distances de 10m (précision) et 25m (précision et vitesse). C’est donc sur ces éléments que je vais poursuivre le parallèle.

Une fois la discipline choisie, il est important de savoir ce que l’on veut faire : Du loisir ou de la compétition. Ce choix est déterminant pour :

  • La sélection des armes ;
  • L’investissement financier ;
  • L’investissement en temps.

Cet objectif (loisir ou compétition) est très structurant. Un mauvais choix peut provoquer des dépenses inutiles ou un découragement par manque de résultat.

Enfin, il est important de se fixer un objectif personnel … Si le but ultime dans une discipline de tir est de faire mouche (plein centre) à chaque fois, il est plus réaliste de se fixer un objectif en fonction de son niveau. Une cible de tir au pistolet est constituée de cercles concentriques rapportant de 1 à 10 points en se rapprochant du centre.

Pour ma part, j’ai commencé le tir en me fixant l’objectif de mettre tous mes impacts dans une zone correspondant au 7. Avec la pratique, mon objectif a évolué et je cherche maintenant à maintenir mes impacts dans la zone du 9 (soit un diamètre de 27,5mm pour le tir à 10m et 100mm pour le tir à 25m).

Cependant, je suis conscient que je ne dispose pas du temps nécessaire pour un entrainement qui me permettrait de viser l’objectif d’atteindre systématiquement la zone du 10… Inutile donc d’espérer une sélection en équipe de France pour les prochains JO

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Comme pour le tir sportif, la définition des objectifs à atteindre est un élément clé pour le test des applications.
Comment progresser, faire les bons choix, utiliser les bons outils si nous n’avons pas déterminé ce qu’on souhaite faire ?
De même, il est souhaitable pour progresser de revoir ses objectifs régulièrement en fonction de ses capacités, tout en étant réaliste pour ne pas se décourager.

Le choix des armes et les efforts à fournir

Une fois les objectifs clairement identifiés (Discipline, niveau, …), arrive le choix des outils : S’il parait évident que l’on ne fait pas les 24h du Mans à vélo, il en est de même pour les armes utilisées pour la compétition.

En effet, les armes utilisées pour le tir sportif dans les disciplines de précision n’ont rien à voir avec les armes de dotation des forces armées ou des forces de l’ordre.

Il est donc important de choisir une arme adaptée à la discipline plus qu’une arme à la mode dans le dernier jeu vidéo du moment ….

De plus, l’arme doit être fiable, engendrer un minimum de contrainte et être adaptée à la morphologie du tireur.

Enfin, on évitera également de se précipiter avec une nouvelle arme à une compétition … On va prendre le temps de l’essayer avant de la choisir, de s’y habituer, de la régler …

Bref, on va s’entrainer et acquérir les automatismes à la hauteur des objectifs que l’on s’est fixés.

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Le choix des “outils” est également extrêmement important pour les tests. De l’élaboration de la stratégie de test, découlant des objectifs à atteindre, va découler les moyens à mettre en œuvre et les efforts à consacrer.
Souvent, on essaiera plusieurs outils avant de choisir le mieux adapté au contexte du projet, mais aussi aux personnes en charge de l’utiliser.
Et enfin, il faudra prévoir des formations (entrainement) préalables à la phase de validation.

La maîtrise des fondamentaux (visée et le lâché)

Une fois la discipline et les outils choisis, il faut apprendre à tirer …

Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, l’élément le plus important à regarder au moment du tir n’est pas le centre de la cible, mais les organes de visées (le guidon et le cran de mire).

“Pourquoi ?” Me direz-vous … Tout simplement car un écart très faible d’alignement du canon (matérialisé par les organes de visée) se traduit inévitablement par un écart important en cible à cause de la distance que doit parcourir le projectile avant d’atteindre son objectif (Je ne vous explique pas l’histoire de Pythagore…).

Cette erreur est la plus pénalisante dans le tir, car elle entraîne généralement les écarts en cible les plus grands. On parle d’erreur angulaire …

Pour éviter cela, il est indispensable de rester toujours concentré sur l’alignement des organes de visée sans se laisser distraire par la cible ou les éléments extérieurs.

Le deuxième élément important pour la phase de tir est ce que l’on appelle “le lâcher”.

C’est tout simplement l’action qui consiste à appuyer sur la queue de détente (oui … c’est le vrai nom de ce que l’on appelle communément “gâchette” qui en fait est un élément interne de l’arme …) jusqu’au départ du coup.

Cette action doit être naturelle et ne doit pas perturber l’alignement des organes de visée… Pour se faire, il faut “apprendre” à ignorer cette action tout en la faisant de manière automatique. On doit parvenir à un départ du coup qui génère de la surprise tout en étant maîtrisé… Ces 2 actions doivent être synchronisées pour obtenir un tir correct.

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Même si la définition des objectifs est primordiale, une fois dans l’action il devient plus important de suivre les indicateurs (les organes de visée, la pression sur la queue de détente) que de continuer à fixer l’objectif (la cible).
Ce sont les informations fournies par les indicateurs qui vont nous permettre d’agir sur notre façon de faire pour atteindre les objectifs (ou les redéfinir), et pas les objectifs…

La mise en place d’automatisme (L’entrainement)

Tous ces éléments ne s’améliorent qu’avec un entrainement régulier et un minimum d’effort. La plupart des automatismes n’apparaissent qu’après avoir tiré quelques milliers de munitions … Avec la pratique, les bons réflexes apparaissent et les réglages s’affinent.

On met également en place une procédure que l’on appelle “séquence de tir” allant de la prise en main de l’arme jusqu’à l’analyse du tir après le départ du coup.

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Le parallèle est ici facile. Le test est un métier qui nécessite des formations pour évoluer et de la pratique pour s’améliorer et créer des automatismes.
Cette pratique permet également la mise en place de standards garantissant une réalisation maîtrisée.

Accepter les imperfections (Le bouger)

Comme je l’indiquais, le tir de précision au pistolet, s’effectue debout et à bras franc. C’est à dire en tenant le pistolet à une main et sans appui.

Vous imaginez bien que la stabilité joue un rôle très important dans le résultat en cible… Et pourtant, quoi que l’on fasse, dans cette position on bouge tout le temps.

Impossible de rester immobile très longtemps avec le bras tendu et un poids d’un kilo dans la main : La respiration fait se lever ou baisser le bras, les battements du cœur sont perceptibles également …

Et la fatigue après 1 heure de match se fait aussi ressentir …

Et j’oubliai de le préciser, mais pour réduire les perturbations liées à la respiration, le tir se fait en apnée … Inutile de vous dire que la visée ne doit pas être trop longue …

Bref ! Pour être efficace, le tireur doit accepter de bouger en restant dans une zone qui va lui permettre d’atteindre son objectif.

Le moment où la visée parfaite dans un immobilisme total va lui permettre d’atteindre à coup sûr le 10 n’arrivera jamais.

Et plus il attendra ce moment, plus l’amplitude du bouger augmentera avec 2 résultats possibles :

  • On ne pressera jamais sur la queue de détente ;
  • Le coup partira dans de mauvaises conditions (fatigue, bougé trop important, …) et provoquera un mauvais score.

Dans mon cas, ma zone de bouger acceptable correspond à la zone du 9. Cette zone s’est réduite avec l’entrainement, et il m’a fallu plusieurs mois avant d’accepter cette “imperfection” comme quelque chose d’acceptable dans le tir ….

Mais voilà, en acceptant de bouger dans la zone du 9, il arrive très souvent d’atteindre le 10 . On arrive aussi à tenir les temps lors des matchs et les erreurs commises sont moins pénalisantes.

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Comme pour le tir, il faut accepter les imperfections dans notre façon de travailler. Dans le cas contraire, nous prenons le risque de ne jamais atteindre les objectifs car nous n’avons pas pris de décision ou car nous avons pris une décision trop tardive.
Chaque décision nous permet d’avancer (soit nous avons progressé un peu, soit nous avons échoué mais nous avons appris pourquoi, et parfois même on a réussi du premier coup ). L’important et de s’assurer que nous allons bien vers l’objectif fixé.

L’analyse des erreurs et la correction des problèmes

Un match de précision au pistolet en distance 10m se déroule sur 60 tirs. Mais on a l’habitude de dire qu’en fait, on fait 60 matchs d’un seul tir …

En effet, chaque tir fait l’objet d’une analyse afin de comprendre les éventuelles raisons d’un écart en cible (même les plus faibles) et les éliminer ou les corriger au prochain tir.

Cela peut venir d’un mauvais réglage, de conditions lumineuses différentes de l’habitude ou changeantes, d’une mauvaise prise en main de l’arme ou, et c’est souvent le cas, du non-respect de la séquence de tir que l’on a mis en œuvre à l’entrainement sous la pression de l’événement …

Le contrôle constant des écarts permet de réagir rapidement lors d’un match et parvenir à atteindre ses objectifs.

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Si nous avons vu dans la partie précédente que l’acceptation de l’imperfection était importante, il est également primordial de systématiquement analyser les raisons d’un échec.
Chaque nouveau projet que nous testons, chaque nouvelle méthode que nous employons doit faire l’objet d’une phase de rétrospection pour identifier les éléments à améliorer pour les prochaines fois. L’analyse permet d’identifier les problèmes et de les éliminer … De même le contrôle en continu de nos process peut permettre de rectifier des mauvaises pratiques avant qu’il ne soit trop tard pour le projet.

Une remise en cause constante

Si l’entrainement permet de mettre en place des automatismes et bâtir une séquence de tir, les matchs et leurs analyses sont de bonnes occasions pour les remettre en cause …

En effet, l’expérience nous force à constater que souvent ce que nous avions mis en place à l’entrainement n’est pas adapté aux conditions de match (stress plus important, concentration plus difficile, contrainte de temps plus pesante, …).

Il est donc très important de remettre en question très fréquemment ce que l’on a mis en place en prenant en compte l’efficacité réelle de notre façon de faire théorique dans les conditions cibles (le match en compétition).

C’est quoi le rapport avec les tests ???

Même si la mise en place de standards est très importante pour garantir un niveau constant de qualité dans notre activité, il est important de remettre en question nos façons de faire à chaque nouveau projet afin de s’adapter aux particularités.
Les standards doivent être revus régulièrement (remis en cause) et les stratégies de tests adaptées à chaque projet (Il n’y a pas qu’une solution “miracle”)

À propos de l’auteur: Christophe Lepinoy

Après un début de carrière dans le développement à la fin du siècle dernier, je me suis naturellement orienté vers le monde du test logiciel (bien faire un produit, c’est bien, faire le bon produit c’est encore mieux !).

Depuis presque 20 ans, je tire parti de mes expériences (bonnes ou mauvaises) pour tenter d’apporter aux entreprises les meilleures approches de test correspondant à leurs contextes. Aujourd’hui chez Davidson Consulting, ou j’essaye de faire grandir la culture QA, j’accompagne nos clients dans la définition de leurs stratégies de test, et la mesure des gains de performance associés

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