Avant tout chose il me semble important de rappeler que les religions ont permis à l’humanité de s’unir et de réaliser des exploits qui pouvaient sembler impossibles. Je pense par exemple à la construction du Stonehenge, les pyramides (égyptienne et aussi américaines) et bien sûr à tous les édifices religieux des religions encore pratiquées de nos jours (églises, mosquées, temples…)
Une religion c’est quoi ?
Etymologie
L’étymologie du mot religion est encore sujette à débat. Ce qui est sûr c’est qu’elle vient du latin « religio ». Religio pouvant venir du verbe :
- Religare qui signifie relier, lier plus fort. Ce lien peut être vu entre un être divin et les hommes mais aussi entre les hommes entre eux.
- Relegere (ou Religere) qui signifie relier/réélire en opposition à la superstition ou bien de « choisir » en élisant.
La première étymologie me semble particulièrement intéressante car elle parle de liens. Ces liens permettent de créer des regroupements et de proposer un objectif commun. Il est également bon de noter que la seconde étymologie inclut aussi cette notion de lien avec la traduction « relier ».
Concepts de religions n’étant pas liés au divin
Lorsque l’on parle de religion on pense au caractère divin, au sacré. Une religion peut aussi être vue, d’après Noah Yuval Harari, comme :
- centrée sur l’humain.
- une histoire qui offre une légitimité aux hommes par rapport à des normes, des valeurs, des lois. Elle sert alors à donner une sorte d’autorité sur les sujets qu’elle aborde
- permettant de répondre à une ou plusieurs questions existentielles. La religion peut alors fournir une autorité (comme un arbitre) qui répond à ces questions.
Si l’on prend le christianisme, on peut dire que :
- La bible nous raconte l’histoire de nombreux hommes mais aussi de la manière dont les hommes doivent vivre ensemble (10 commandements…).
- La bible, à travers ses récits fait passer de nombreuses valeurs, vertus et lois
- La bible apporte de nombreuses réponses à des questions primordiales pour de nombreux êtres humains. Les réponses qu’elle apporte traitent de nombreux sujets comme : que se passe-t-il après la mort ? Que suis-je autorisé à faire en société ? Comment le monde a-t-il été créé (il est intéressant qu’un grand nombre de religion propose un récit sur la création de notre monde) ?
Quels concepts utilisés par la religion le test reprend-t-il ?
Les religions sont, en plus d’être lié au divin, un formidable outil de communication et un formidable moyen de lier les hommes entre eux. Il n’est alors pas étonnant que de nombreuses disciplines réutilisent certains des concepts de ces dernières… et ce de manière qui peuvent être inconscientes !
Le test ne fait pas exception. Tout d’abord, le test, tout comme une religion est centré sur l’humain, raconte des histoires et fait figure d’autorité sur certains points spécifiques.
- Le test est-il une affaire liée aux humains ?
Oui, le test c’est de l’humain. Le test est lié au développement de logiciel qui est conçu et utilisé par des humains. En cela le test est une affaire liée aux hommes.
- Le test offre-t-il une légitimité par rapport à des principes, des valeurs ?
Le test offre une forte légitimité en ce qui concerne l’estimation du niveau qualité d’un logiciel mais aussi quant au moyen d’y arriver d’une manière optimale d’un point de vue coût. On parle d’ailleurs maintenant régulièrement d’assurance qualité pour parler des tests.
- Le test sert-il d’autorité sur des sujets spécifiques ?
Le test peut servir d’autorité dans l’évaluation de la qualité des logiciels à un instant T (mais ce n’est pas le seul) que cela soit d’un point de vue résultat sur cette évaluation ou le moyen à mettre en place pour parvenir à l’objectif fixé.
- A quelle question le test est-il censé répondre ?
Cette partie est la plus délicate ! Je dirais que le test répond à une question essentielle dans le logiciel : puis-je donner l’accès du logiciel à ses utilisateurs ?
Il est bon de noter que le test n’est évidemment pas la seule discipline à reprendre ces points. On peut également prendre l’exemple du capitalisme ou libéralisme économique :
- Le capitalisme est un système (qui ne fonctionne que parce que l’on y adhère/croit) qui lie la très grande majorité des hommes sur Terre et impact fortement notre comportement (notamment la recherche de plus d’argent, la consommation et le succès personnel entraînant le succès de la société dans son ensemble)
- Le capitalisme est une histoire, l’histoire de la production de richesses grâce à l’action individuelle. Je me rappelle avoir été choqué au lycée en lisant un passage d’un écrit d’Adam Smith où il disait qu’il ne fallait pas nourrir les pauvres autour de notre table en excédent car cela créerait un appel d’air et se finirait assez rapidement en manque de nourriture… Oui, il disait ouvertement qu’il fallait laisser mourir de faim une personne à côté de soi pour préserver l’économie.
- Le capitalisme apporte une réponse à comment produire plus de richesses et enrichir la société dans son ensemble par le développement des intérêts particuliers.
Quels outils des religions sont reprises par le test ?
La religion, ce n’est pas que des concepts. Afin de mettre en place ces derniers la religion utilise des outils de communication très puissants. Le test réutilise certains de ces outils !
Le test a des institutions faisant figure d’autorité
Tout comme beaucoup de religions, le test possède des institutions faisant autorité.
Au niveau international, dans le cas du catholicisme il y a le Vatican et le pape. Dans le test cela correspond à l’ISTQB et son président, notre pape du test actuel est donc Olivier Denoo.
Il y a également d’autres institutions à plus petit niveau. Pour le catholicisme il y a les évêchés avec les évêques et la paroisse pour les prêtres… Pour le test il y a les organisations dépendantes de l’ISTQB comme le CMTL ou le CFTL.
Il existe évidemment d’autres organisations qui peuvent être vues comme des branches de la religion. Je pense par exemple à l’école de James Bach avec le Rapid Software Testing, le TMMI et toutes les autres organisations plus ou moins proches des concepts ISTQB comme Ministry of Testing ou les blogs comme celui de la taverne du testeur.
Le test a ses principes fondateurs et immuables
Les principes fondateurs du test sont au nombre de 7, les voici pour rappel:
- Les tests montrent la présence de défaut
- Les tests exhaustifs sont impossibles
- Tester tôt
- Regroupement de défauts
- Le paradoxe du pesticide
- Les tests dépendent du contexte
- L’illusion d’absence d’erreurs
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que malgré des divergences sur le test entre les différentes autorités (ex : ISTQB et Rapid Software Testing) ces principes restent les mêmes !
Le test a ses mythes, son histoire
On connait tous les histoires de diverses religions et ce, même si l’on ne croit pas en cette religion. Je pense par exemple, en restant sur le catholicisme, au déluge ou encore au mythe d’Adam et Eve.
Cela tombe bien, le test a également ses histoires et mythes connus au-delà de la communauté du test. Je pense par exemple à :
- Le premier bug trouvé qui s’avérait en fait être un insecte ayant provoqué un court-circuit
- Le testeur viré car il trouvait trop de bugs ce qui « casse » les statistiques
Au-delà des mythes et histoires que l’on se transmet, le test a également ses « prédictions ». Pour les religions usuelles on pense aux prédictions de fin du monde. Dans le cas du test il y a eu le très célèbre « Bug de l’an 2000 » qui aurait dû mettre à mal l’ensemble des parcs informatiques !
Le test a ses représentants… mais aussi de nombreuses personnes le promouvant
Sur ce point le test est très efficace et de plus en plus actifs depuis une dizaine d’années. On trouve de plus en plus de personnes écrivant des livres ou animant des blogs. Rien que dans la communauté francophone il y a des personnes comme Christophe Moustier, Zoé Thivet, Benjamin Butel, Xavier Pigeon, Jean-Pierre Lambert (mais il y en a beaucoup d’autres !) très actifs mais aussi des organisations comme le CFTL, CMTL, Hightest et All4test (là encore il y en a beaucoup d’autres) qui contribuent à diffuser l’état d’esprit, le savoir et les normes du test.
Au-delà des écrits il y a aussi les vidéos, présentations et échanges oraux. On ne compte plus les tutoriels sur les plateformes en ligne, les webinars, les supports de présentation et les forums qui circulent sur internet à propos du test.
Enfin, le plus important reste l’armée invisible des testeurs, toujours plus grande, toujours plus certifiée, toujours plus convaincue de la nécessité du test et… avec l’Agile… toujours plus intégrés ! C’est ces fidèles qui permettent au test d’avancer et d’acquérir ses lettres de noblesse.
Le test a ses événements
Le Catholicisme a Noël et Pâques. Bien que le test n’ait pas encore d’événements aussi fédérateurs il existe de nombreux événements annuels du test logiciel qui sont fortement suivis… et qui dépasse le simple cadre du test logiciel.
Je pense évidemment à la JFTL qui réunit plus de 1 000 personnes par an sur le sujet du test. Cet événement est sans conteste le plus important dans le milieu francophone du test. Il n’est cependant pas le seul. Il y a, comme événement plus récent mais qui commence à se faire un nom la Soirée du Test Logiciel de Sophia (STLS) qui a vu le jour en 2017 ou encore la Paris Test Conf organisée depuis 2019. Ces événements rythment la vie des testeurs qui les attendent les préparent et y assistent.
A une échelle de temps plus petite, les religions monothéistes liées au divin, prévoit un événement hebdomadaire. Cet événement se voit sur nos calendriers avec les jours fériés. En France, pays à majorité chrétienne, c’est le dimanche. Le test a-t-il ce type d’événement régulier ? Le sujet est ici plus délicat et sujet à controverse. Je dirais que beaucoup de testeurs ou de blogs proposent des événements récurrents à l’échelle de la semaine qui vont toucher plus ou moins de personnes. Si je devais énoncer un point régulier qui touche beaucoup de testeurs je dirais que c’est, dans un cycle de développement « classique », le lundi matin avec l’arrivée au bureau et l’analyse des campagnes de régression effectuées durant son absence. En Agile on peut penser aux différentes cérémonies auxquelles le testeur participe.
Le test a une Némésis
Ce point est peut-être le plus important. L’ennemi juré de nombreuses religions est le Mal. La religion chrétienne le symbolise par le diable.
Pour le test, le Mal c’est la mauvaise qualité et son représentant n’est autre que le bug ! Il est bon de noter que, comme le « Mal », la notion de bug n’est pas forcément bien définie ce qui en fait un concept simple tout en étant très puissant et diffus.
Quels outils utilisés par les religions ne le sont pas par le test ?
Le test, même s’il utilise de nombreux outils proposés par les religions ne les utilise pas tous. Il peut être intéressant de se pencher sur ces non utilisations pour voir si certains ne serait pas utiles !
Le symbole représentatif
C’est peut-être LE plus grand manque du test. Avez-vous déjà essayé de créer un logo lié à un événement du test logiciel ? Si vous avez déjà fait l’exercice vous vous êtes sûrement aperçu qu’il est très difficile de savoir quoi utiliser pour savoir que l’on parle de test.
Au final, pour des événements liés au test on se retrouve souvent avec des logos proposant soit :
- Une image liée à l’informatique
- Un animal ayant une qualité fondamentale au test
- Une image représentant une foule et un orateur
- Un objet (loupe, tasse…) avec 1 insecte (la recherche de bug)
- Des lettres formant un logo…
Dans tous les cas il n’y a pas de consensus, rien ne fait l’unanimité. Là où les Chrétien ont la croix chrétienne, les testeurs n’ont rien de vraiment simple et souvent arboré (la loupe et l’insecte semble néanmoins de plus en plus utilisée) pour se reconnaitre et pour montrer leur appartenance à cette communauté.
Le prophète ou représentant iconique de la communauté
Le test n’a en effet pas de figure unique faisant consensus.
Nous avons évidemment des personnes qui comptent, des personnes faisant référence sur certains domaines et reconnues. Je pense bien sûr aux personnes déjà citées précédemment mais aussi à d’autres comme Bruno Legeard, Eric Riou du Cosquer, Michael Bolton, Lisa Crispin, Rosie Sherry…
On peut néanmoins se demander si ce type d’outil serait intéressant pour une discipline comme le test qui se veut très scientifique et qui a donc besoin d’échanges, de contradictions et de débats pour avancer et progresser.
Les préjugés auxquels fait face le test
Les préjugés ne sont pas forcément un concept que l’on souhaite emprunter prendre des religions. Le test doit néanmoins faire face à ces derniers. Les plus courant sont :
- Un testeur c’est quelqu’un a été mis à ce poste car c’est un mauvais développeur et un mauvais analyste. Cela est évidemment faux. Pour être un bon testeur il faut avoir certaines compétences. On n’est pas testeur « Par défaut ».
- Le testeur arrive à la fin du développement un peu comme l’inspecteur des travaux finis. C’est faux, c’est d’ailleurs un des principes du test.
- Les tests c’est uniquement pour trouver des Bugs. Cela est également faux. Le test sert évidemment à trouver des bugs, il est néanmoins plus intéressant de les prévenir. De plus, le test cela apporte aussi de l’information !
- Les tests ça coûte cher. Tout est une question de dosage ! De manière générale il est intéressant de se demander quelles sont les répercussions si l’on donne accès à un logiciel sans le tester. Qui souhaite prendre le risque d’une telle décision sans information ? Le test offre cette information.
- Plus il y a de test mieux c’est. C’est faux ! Le nombre importe peu, l’important c’est leur conception et leur adaptation au contexte
- Le 0 bug est l’objectif qu’il faut viser. Peut-être un des préjugés qui m’énerve le plus. Le 0 bug n’existe pas… Et même s’il existait le test ne pourrait pas le prouver car le test montre la présence de défaut, pas son absence…
- Le testeur est amené à disparaitre avec l’automatisation des tests. Ce préjugé est assez récent et tout aussi faux. On le voit d’ailleurs avec la démocratisation des tests exploratoires.
- …
Conclusion
Les religions, au-delà de leur caractère sacré et intouchable, sont des modèles de communications. Des modèles de récits fédérateurs et d’organisateurs de la société. Il est particulièrement intéressant de les étudier sous cette optique afin d’identifier ce qui a fait et fait toujours leur réussite. Cette étude permet d’aborder différemment de nombreuses disciplines et d’imaginer de nouvelles manières de les diffuser ou de les développer.
Ceci est particulièrement vrai pour le test qui, par essence, est une discipline basée sur la communication mais on peut imaginer appliquer cet exercice à de nombreuses autres disciplines (comme le capitalisme) afin d’appréhender leurs stratégies de communications mais aussi à quel point les religions nous impactent dans notre quotidien à travers les outils fédérateurs qu’elles ont su mettre en place et développer.
Un grand merci à Christophe Moustier, Olivier Denoo, Benjamin Butel, Michael Granier et Zoé thivet pour leurs relectures et conseils !
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